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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/383

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L’argument parut frapper le gambusino, qui ne répondit pas.

Mais une femme riposta pour lui :

— On dit que c’est un gouffre pour l’argent et… la Madone défend d’accuser son prochain ; mais il y a des gens qui prétendent qu’en comptant bien, on s’apercevrait qu’il dépense beaucoup plus qu’il ne peut gagner honnêtement.

Une autre femme, portant un marmot dans ses bras, intervint :

— Et puis, s’il n’est pas coupable, que signifie l’apparition au théâtre de la Virgen de la Independancia ? que signifie le miracle promis par la Madone ?

L’élégant ne daigna pas répondre et s’éloigna en haussant les épaules.

Cependant la femme, décidée à s’en prendre à quelqu’un, chercha autour d’elle. Dans ce mouvement, ses yeux se portèrent sur la fenêtre où se tenait Olivio.

— Regardez-le, fit-elle d’une voix éclatante, regardez celui qui tue les femmes.

À ce moment, le chef des compagnons du Poison Bleu examinait la garrotta avec attention :

— C’est curieux, disait-il à Alcidus placé derrière lui, cela tient sans doute à l’angle sous lequel je les vois, mais les montants me paraissent déjetés en dehors de la perpendiculaire.

Une flamme ironique pétilla derrière les lunettes de son interlocuteur. Mais l’exclamation de la femme du peuple détourna l’attention de l’haciendero.

— Oui, regardez-le ; il fait mourir une señorita, qui était sa fiancée et qui n’a pas voulu l’épouser !

La foule applaudit.

Elle applaudit toujours quand on attaque un de ces heureux de la fortune qu’elle envie.

Olivio pâlit.

Mais le courtier intervint aussitôt :

— Tais-toi, femme. Il n’arrive que ce que la Madone permet. Si elle permet le trépas de l’accusée, je te trouve bien osée d’élever la voix contre la décision de la reine du ciel.