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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/39

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L’ingénieur, arrivant de France, était familiarisé avec cet aspect ; mais sa compagne, ayant toujours vécu dans les pays intertropicaux, où l’eau n’arrive jamais à congélation, ressentait un étonnement craintif.

Mornes, vallées, rochers, terres cultivées, tout apparaissait uniformément blanc, et le soleil venant frapper le sol éveillait d’innombrables paillettes brillantes parmi les cendres, ce qui ajoutait une ressemblance de plus avec les cristallisations neigeuses.

— Oh ! murmura tout à coup Stella, malheureuse que je suis ! J’oublie mon père, j’oublie mes frères bien-aimés.

Elle voulut marcher, mais elle chancela.

— Appuyez-vous sur moi, mademoiselle, dit doucement Jean.

Sans hésitation elle prit son bras.

Quelques jours avant, la jeune fille eût certainement hésité à accepter l’aide d’un étranger, mais les heures passées dans un danger commun rapprochent plus que des années de relations mondaines.

Jean et Stella n’étaient plus des étrangers l’un pour l’autre. Il leur semblait qu’ils s’étaient toujours connus, et ils se fussent naïvement étonnés si quelqu’un leur avait rappelé qu’ils s’étaient rencontrés, la veille, pour la première fois.

Autour d’eux, c’était le désert, le silence.

— Nous sommes à quelques mètres en contre-bas de la crête du morne Rouge, reprit l’ingénieur ; hissons-nous jusque-là, nous dominerons le pays.

— Et nous apercevrons peut-être la maison…

Stella se tut. Elle n’osa pas ajouter :

— La maison de mon père.

Son cœur était serré. Un pressentiment lugubre avait traversé sa pensée. Elle s’était sentie orpheline. Et ses grands yeux voilés de larmes se fixèrent longuement sur son compagnon.