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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/400

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Elle joignit les mains, murmurant une prière d’action de grâces.

Sa pensée prit un cours plus riant.

La tendresse, sublime magicienne, écarta les images funèbres. Le rêve rose les remplaça. Maintenant Stella songeait à ce bon et beau garçon, qui déjà, au milieu du cataclysme martiniquais, insoucieux de sa propre sûreté, s’était dévoué à son salut.

Depuis, combien de fois avait-il risqué ses jours pour elle ? Elle ne les comptait plus. Mais la reconnaissance chantait en son cœur un hymne de gratitude éperdue.

Les gentilles demoiselles des cités, où nul péril ne les menace, se targuent volontiers de « conquérir » leur fiancé, d’en faire leur chose, leur esclave, leur soupirant.

Stella se déclarait qu’elle était à lui, qu’elle était sa servante. Avec la tendresse d’une fiancée, elle ressentait pour lui le respect du maître, du père.

C’est que le désert avait enseigné à la jeune fille sa propre faiblesse ; il l’avait conduite à sentir le besoin de l’appui, de la force, du courage de son compagnon.

Et puis la souffrance commune les avait rapprochés, unis d’âme et de cœur.

Les anciens disaient :

« Pour se bien aimer, il faut avoir souffert ensemble. »

Les modernes, tout préoccupés de dots, désireux surtout d’éloigner les privations, les aléas de la vie, parviennent à se faire une existence paisible dans sa platitude ; mais ils en excluent la tendresse profonde, la flamme qui vivifie et trempe les caractères.

À ce jeu-là, plus de large affection, des fantaisies ; plus de bonheur, des plaisirs ; plus de marbre, du plâtre.

Huit heures, puis neuf sonnèrent encore.

Comme les dernières vibrations du timbre s’éteignaient, des pas retentirent sur le carrelage du corridor desservant la cellule de la captive.

Elle eut un petit frisson :

— Qu’est-ce ?…

Les pas s’arrêtèrent devant sa porte. Des verrous