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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/421

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où les buissons froissés semblent palpiter encore sous l’effort qui les a brutalement écartés.

Soudain un bruit de galop parvient jusqu’à eux. Leur ennemi fuit. Il va leur échapper.

Avec une vigueur irrésistible, le chasseur fonce dans le hallier. Tout cède à sa poussée herculéenne. Il jaillit, tel un projectile, de la lisière du fourré.

À cinquante mètres, une masse noire détale sur la plaine.

Sans un mot, le Canadien lève son arme, vise une seconde et appuie sur la gâchette.

Une détonation, un juron, un hennissement de douleur se croisent.

— Blessé le cheval, rugit le tireur.

Blessé sans doute, mais il ne s’arrête pas. Son galop retentit toujours, entraînant le fugitif hors de portée.

Exaspéré, Francis s’est élancé à sa poursuite, mais un homme à pied ne saurait rejoindre un coursier au galop.

Il le comprend et s’arrête à l’endroit où la balle a frappé l’animal. Il y a du sang sur la terre, du sang encore plus loin ; c’est une traînée rouge qui marque la trace de l’adversaire inconnu.

— Suivons-le, ordonna Gairon, il n’ira pas loin.

— Suivons-le, mon bon, riposte gaiement Massiliague.

Mais ils ne bougent ni l’un ni l’autre. Une même hallucination vient de les prendre.

Il leur semble que la clarté blanche de la lune a changé de couleur. Le sol leur apparaît avec une teinte rougeâtre.

— On dirait un reflet d’incendie, bagasse ! murmure Scipion.

À cette remarque, qui lui révèle que son compagnon subit la même impression que lui, Francis est secoué par un tressaillement. Il regarde en arrière. Au-dessus des cimes du bois, il y a dans le ciel comme un rougeoiement.

— Le feu !

— Où cela ?

Un instant de silence, et tout à coup, le Canadien pousse une clameur déchirante :