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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/49

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tin, l’Ouest brésilien, lorsque les Espagnols et les Portugais découvrirent l’Amérique.

« Des prêtres avaient recueilli mon père.

« Une jeune fille d’une rare beauté, attachée au service du temple, soignait le blessé. Ils s’aimèrent.

« Les prêtres consentirent au mariage, à la condition que M. Roland s’établirait dans la région, et que jamais il ne chercherait à faire quitter le sol américain à son épouse.

« La fiancée devait être ma mère.

« Durant des années, ce fut le bonheur.

« Le ménage occupait une magnifique hacienda sur les bords du Jurua. Il semblait que ce pays fortuné fût le paradis. Le soleil brillait au ciel, la tendresse brillait dans les cœurs.

La voix de Stella trembla légèrement tandis qu’elle continuait :

— Mes trois frères étaient nés. Or, avant leur naissance, mon père avait remarqué que sa compagne était en proie à une tristesse profonde, qui se dissipait seulement lorsqu’elle avait l’assurance que le nouveau-né était un garçon.

« Il l’avait interrogée vainement. À ses questions elle répondait :

« — Je suis nerveuse. Je souffre de mon imagination. La vie naissante me fait songer à la mort. Le commencement amène l’idée de la fin.

« Et lui, pour qui elle était tout ; lui qui ne trouvait de musique qu’en sa voix, de clarté qu’en ses yeux, de bonheur qu’en sa présence, se contentait de cette explication vague.

» Hélas ! il devait connaître bientôt le motif dès larmes de sa compagne.

« Pour la quatrième fois, il fut père. Cette fois, c’était d’une fille.

« Il en eut une joie délirante ; mais quand il vint auprès de ma mère, celle-ci éclata en sanglots.

« — Emportez-la, fuyez. Ils vont la prendre !