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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/54

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voix changée, la main étendue vers l’atelier délabré qui contenait la caisse aux sphères de cristal :

— Vous savez maintenant pourquoi mon père a passé sa vie à chercher le composé assez résistant pour emprisonner indéfiniment l’air liquide.

— L’air liquide ! s’écria le jeune homme brusquement ramené à ses habitudes scientifiques. Parbleu, je suis absurde de ne l’avoir pas reconnu dans ce fluide bleu pâle, qui emplit toutes ces ampoules de verre.

— Non, pas de verre, remarqua Stella, mais d’un composé inventé par mon père, et dont la résistance est telle qu’il subit sans peine l’énorme pression…

— Énorme en effet ; à la température actuelle, la poussée du liquide, avide de se détendre ou de se transformer en gaz, doit dépasser cent atmosphères.

Elle affirma du geste.

— Vous êtes au courant, peu de mots d’explications seront nécessaires.

— En effet, mademoiselle. Un ingénieur ne saurait se désintéresser de la question, qui prépare tout simplement une révolution industrielle. Aussi ai-je étudié les travaux de lord Kelwin, Siemens, Wroblewski, Olzewski, Dewar, Raoul Pictet, d’Arsonval, Cailletet et Georges Claude.

— Alors vous n’ignorez pas que la détente de l’air liquide, c’est-à-dire son passage brusque de l’état liquide à l’état gazeux, produit un froid de deux cents degrés au-dessous de zéro.

— C’est exact

— Eh bien, pensez-vous que cette température effrayante soit suffisante pour transformer en glace, en pierre pour les ignorants, la source bouillante, la Gurribb du temple Incalt ?

Jean se frotta les mains.

— Je comprends, mademoiselle. Votre père voulait aller là-bas devenir le Maître pour délivrer la fille qui lui fut ravie.