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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/79

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— Avec votre permission.

— Ma permission, mais vous allez au-devant de mes vœux. Vite, prévenons ces pauvres gens qui aiment la fugitive, qui souffrent…

Elle s’élançait vers l’escalier montant au pont. Il brisa son élan par ce seul mot :

— Non.

Stella se retourna vers lui, stupéfaite :

— Non ?

— Non, redit-il doucement. Il importe que notre puissance… scientifique demeure secrète. Les prêtres d’Incatl nous traiteraient en imposteurs, s’ils soupçonnaient que nous utilisons leurs légendes pour exécuter un tour de passe-passe, un numéro de physique amusante, une séance d’escamotage.

— Comment le sauraient-ils ?

— Par la langue, mademoiselle ; la langue qui, au dire d’Ésope, est ce qu’il y a de meilleur et de pire. Au nombre des amis de la señora Dolorès, se trouvent un Marseillais et un fiancé, deux êtres abominablement bavards par destination. Dès lors notre secret deviendrait celui de Polichinelle…

— C’est vrai, c’est vrai, murmura Mlle Roland.

— Et je vais plus loin, poursuivit Jean, si nous rencontrions la señora, nous devrions par prudence lui celer nos intentions.

— À elle aussi ?

— Absolument. Elle est de bonne foi ; elle croit sa mort utile à la cause de l’émancipation du Sud. Il est donc certain qu’elle refuserait de se prêter à ce qu’elle considérerait comme une supercherie.

— Donnerait-elle ce nom à la découverte ?…

— De votre père, oui sans doute. La science est d’essence divine ; elle a charge de préciser l’idéal vaguement entrevu par les poètes, de fixer ses lois, de déblayer la route qui y conduit ; mais dans ses formules mathématiques, l’ignorant ne devine pas sa haute portée philosophique. Le vulgaire ne voit dans