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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/95

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assistants, continuait avec une intarissable éloquence.

— Personne n’a rien vu, murmura Jean, assis à la droite de la charmante créole.

— Personne ?

— Ydna ne périra pas de soif.

— Ni de faim, monsieur. Voici un superbe pâté que l’on présente. Il m’en faut une tranche pour ma chère recluse.

— Diable !

—  Veuillez donc vous servir copieusement au passage.

— Mais je vais passer pour un goinfre, plaisanta Ça-Va-Bien que l’aventure finissait par amuser.

Elle le menaça du doigt :

— Vous vous vantez, monsieur.

— Je me vante ?

— Certes. Ignorez-vous qu’à l’étranger, quoi qu’ils fassent, les Français sont réputés aimables et les Anglais gourmands. Deviendrez-vous Saxon pour vouloir enlever, aux sujets britanniques, la noble épithète que l’univers leur a décernée ?

— Ma foi non, fit l’ingénieur en remplissant son assiette ; seulement l’univers y mettra de la bonne volonté s’il me refuse l’épithète en question.

En dépit de son affirmation, nul ne sembla remarquer la largesse vraiment exagérés avec laquelle il avait fait sa part.

Le docteur poursuivait sa docte explication, au désespoir muet de l’auditoire qui n’osait l’interrompre.

— Au surplus, disait-il, tout est dans l’assimilation des aliments ingérés. Une digestion parfaite permet de se nourrir de presque rien.

— Oh ! c’est bien vrai, susurra miss Mable.

— Je vais même plus loin, bagasse, s’exclama de sa voix sonore Scipion Massillague, lequel depuis un instant s’agitait sur son siège comme un homme pro-