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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/98

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sion. Donc, il y a, dans Marseille, le quartier Saint-Charles, gare de chemin de fer, belles avenues, et cætera. Or, dans l’une de ces avenues, vivait une jeune fille, une señorita, comme l’on dit de ce côté de l’Atlantique, une jeune fille avec des cheveux noirs, comme on n’en rencontre pas ailleurs, et des yeux !…

— Nos señoritas ont de jolis yeux, déclara un galant officier péruvien.

— Jolis, eh oui ! Mais, mon cher señor, une lampe à acétylène, ça n’est pas le soleil. Des yeux comme ça, il n’en existe pas hors de l’octroi de Marseille. Ils étaient grands, grands… à y entrer en mail-coach.

Et comme on se récriait, il appuya :

— Je maintiens mon dire, bagasse ; en mail-coach, et en se tenant debout sur l’impériale.

La joie de tous confinait au délire, accrue encore par l’air penaud du docteur, auquel Masslliague servait sa plantureuse galéjade.

Occupés a considérer les deux adversaires de la joute oratoire, attendant une fantastique imagination du Méridional, aucun des convives ne remarqua Stella qui, prestement, glissait dans le réticule tranche de pâté, pain, gâteaux secs et grappes de raisin.

La jeune fille ne se retournait pas. C’est en tâtonnant que sa main, déjà experte, entassait dans le sac les provisions destinées à son amie Ydna.

Elle poussa un soupir de satisfaction.

— C’est fait ! murmura-t-elle à l’oreille de Jean.

Celui-ci mit un doigt sur sa bouche pour lui recommander le silence.

Scipion reprenait son récit. Passagers, stewards, littéralement suspendus à ses lèvres, oubliaient, qui de manger, qui de servir.

— Enfin, sans chercher une comparaison impossible, disait Masslliague, l’enfant avait des yeux où se mirait le Paradis. Las ! pauvre de moi, dans sa cervelle, elle logeait l’enfer. Elle avait de la philosophie, la charmante coquinasse, et voici comment elle