Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/103

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Ensuite, vous vous fâcherez tout à votre aise, si vous croyez encore la colère justifiée.

— Je préfère me fâcher tout de suite, rugit Scipion.

— Le retard sera minime, reprit imperturbablement le pasteur. Répondez seulement à cette question. Que pensez-vous de sir Sullivan ici présent ? Est-il votre ami ?

Massiliague éclata de rire :

— Tenez, vous êtes un farceur, vous… Vous me déridez… Sullivan, mon ami ! Pécaïre, il m’aime comme le lapin aime le chou… Toutes dents dehors.

— Vous vous trompez.

— Je me trompe ?…

— Entièrement. La preuve est qu’en vous provoquant, en vous enlevant, en vous amenant ici, au fort Davis, sir Joë exécutait mes instructions et avait pour but de vous arracher aux mains de gens qui surprenant votre bonne foi, vous conduisaient à une mort certaine et sans gloire.

L’audacieuse affirmation du gouverneur médusa Scipion. Forster profita de son mutisme momentané pour continuer d’un ton emphatique :

— Au milieu de l’univers encore réactionnaire, flottent les drapeaux de deux républiques sœurs : les États-Unis, la France ! La sympathie la plus vive, née d’un commun amour de la liberté, existe entre les deux pays. Voilà pourquoi moi, gouverneur du Texas, j’ai voulu protéger un Français contre les entraînements de sa généreuse nature…

— En m’enfermant dans une casemate, interrompit le Marseillais recouvrant enfin la voix. En effet, j’y étais protégé contre le froid, le chaud et la lumière.

Mais la plaisanterie ne démonta pas le pasteur.

Celui-ci daigna sourire du bout des lèvres, puis avec calme :

— Ne vous hâtez pas de juger. Permettez-moi, avant toute chose, de vous conter l’histoire vraie du Gorgerin d’alliance, dont vous ne connaissez à cette heure nue le roman.

Les lèvres du Marseillais s’entr’ouvrirent… on eût cru qu’une exclamation allait en jaillir. Point. Elles se refermèrent sans avoir laissé échapper aucun son.

Forster parla donc.

Il développa avec force commentaires la fable ima-