Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/128

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rêvent l’indépendance pour eux et pour les autres ; les seconds souhaitent seulement réduire le monde en esclavage.

Des éclairs passèrent dans les yeux des jeunes personnes. Elles approuvèrent la remarque d’un signe de tête.

Mais les musiciens faisaient rage : le piano tremblait sur ses cales de verre, le violon rugissait et le morceau s’acheva dans un bourdonnement de tempête.

Le rusé Marseillais applaudit avec transport, protesta lorsque Coldjam déclara le moment venu de se retirer, afin de pouvoir se lever de grand matin, se laissa enfin convaincre, et prit congé de ses hôtes, non sans avoir remarqué avec plaisir que les sœurs saxonnes et les sœurs celtes échangeaient des regards tout chargés de mépris.

Nouveau Machiavel, il avait divisé pour régner.

Dès sept heures du matin, tous, y compris l’inévitable Marius, étaient réunis au railway-station d’Aurora, et montaient dans un train qui, un peu avant huit heures, les déposait à Chicago.

Un omnibus les conduisit au Stock-Yard, formant comme une seconde ville. Aux alentours des usines, des parcs immenses, divisés en carrés par des palissades, contenaient une multitude d’animaux de races bovine, ovine ou porcine.

Le grand travail de fabrication commençant seulement à onze heures, les voyageurs eurent le loisir de visiter ces parcs, où des centaines de mille bestiaux attendaient le trépas. Ils purent s’étonner à la vue des innombrables voies ferrées qui aboutissent en cet endroit, des quais de débarquement, longs d’un kilomètre, des stations empruntant leurs noms aux pays expéditeurs. Des trains se croisaient, les uns ayant déposé leur cargaison, les autres roulant pesamment à pleine charge. Des mugissements, bêlements, grognements, se mêlaient aux cris des cow-boys, affectés à la réception des troupeaux, aux coups de sifflet stridents, au moyen desquels les maîtres de carrés, chefs de divisions des parcs, transmettaient leurs ordres.

Partout le grouillement d’une fourmilière. Auprès des enclos pour le gros bétail, se dressaient ceux des volailles, du gibier. Daims, cerfs, bisons, oies, dindons, poules, canards, bramaient, beuglaient, gloussaient, caquetaient, cancanaient.