Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/129

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Massiliague, toujours a son idée d’évasion, trouva le moyen de se rapprocher d’Allane et de Roma ; il leur dit tout bas :

— De tous ces êtres vivants aucun ne verra le coucher du soleil. Triste cet égorgement industriel. Les Saxons ne comprendraient pas ma réflexion mélancolique, mais vous, Celtes, vous partagez certainement mon impression.

— Oui, oui, s’empressèrent d’affirmer les deux misses.

En réalité, la mort de tant de pauvres bêtes ne leur causait aucun émoi. En véritables filles de l’Union, elles n’éprouvaient qu’un immense orgueil à songer que nulle part il n’existait d’aussi gigantesque abattoir ; mais elles se sentaient flattées, en tant que Celtes, de paraître en communion de pensées avec un Français. Car, en dépit de ses malheurs, la France, avec ses mœurs douces, sa politesse, son élégance, exerce une fascination sur la jeune République nordiste, chez qui règne la féodalité de l’or, où s’agite confusément un socialisme dont le but, incomplètement formulé, ne dépasse pas nos Jacqueries du moyen âge.

L’industrialisme est la caractéristique des États-Unis, et la folie européenne est de vouloir les imiter. La France notamment, dont la fortune est agricole, peut-elle copier l’Union, ainsi que l’y incitent tant de conférenciers superficiels ? Non, mille fois non. Notre population, la superficie de notre territoire s’y opposent. Et les chiffres ont une éloquence brutale qui triomphe de tous les moyens oratoires. Une population de 40.000.000 d’habitants ne peut produire ni consommer comme une population double ayant à sa disposition un territoire dix-neuf fois plus étendu, sur lequel se rencontrent en abondance toutes les matières premières : pétrole, houille, fer, or, argent, etc.

Ainsi songeait Massiliague, devenu grave un instant.

Soudain, les cris décuplèrent d’intensité. La fabrication allait commencer.

À un signal donné, les cow-boys, originaires pour la plupart du Nouveau-Mexique, du Texas, et équipés à la mexicaine, pénètrent dans les lofs ou enclos. Ils poussent les animaux dehors, au milieu d’un tumulte, de bousculades indescriptibles.