Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/140

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station thermale située à peu de distance de Kansas-City.

Là un événement bizarre se produisit.

La station était occupée par les forces de police. Le shérif (juge de paix et officier de police) se promenait sur le quai.

Au moment où le train stoppa, les agents se précipitèrent aux portières et interdirent aux voyageurs de descendre.

Un indescriptible tumulte suivit cette manifestation. Dix personnes à destination de Saltsprings protestaient, criaient, tempêtaient.

Mais le shérif se hissa majestueusement dans les Pullmann et réclama le silence :

— Gentlemen, ladies, children, dit-il d’une voix onctueuse, crier n’est pas raisonner. Vos clameurs sont d’autant plus déplacées que vous ignorez les causes de la mesure prise. Je suis ici pour vous les apprendre : veuillez donc faire silence.

Aussitôt tout s’apaisa.

— Gentlemen, ladies, children, poursuivit le fonctionnaire. Quelques milliardaires de la cinquième avenue[1] prennent actuellement les eaux à Saltsprings. C’est un grand honneur et un immense profit pour la localité. Celui qui paie a le droit de commander, n’est-ce pas ? Or, ces dignes baigneurs ont décidé qu’il ne serait pas conforme à leur dignité de se mêler à la foule des malades plus humbles, et ils ont demandé à l’établissement thermal de ne recevoir aucune autre personne. Requis à l’effet de faire respecter cet honorable et juste désir, j’ai pris aussitôt les dispositions nécessaires. Primo : ne sont admis à descendre à cette station que les habitants de la localité, lesquels sont libres de vaquer à leurs occupations, sous la condition qu’ils ne franchiront pas les limites de l’établissement et de ses dépendances. Secundo : les voyageurs qui n’appartiennent pas à cette catégorie doivent poursuivre leur route, les bains de Saltsprings étant interdits pendant deux semaines encore.

Massiliague, présent, écoutait cette étrange haran-

  1. Les milliardaires habitent à New-York la cinquième avenue. Au nombre de quatre cents environ, ils constituent une ploutocratie, à laquelle tous les actes, tous les intérêts des États-Unis sont subordonnés.