gue avec stupéfaction. Il s’attendait à une explosion de récriminations.
Il se trompait. Trois personnes firent la preuve qu’elles résidaient dans la localité et reçurent licence de descendre. Les autres, des baigneurs que la Faculté envoyait aux sources pour des maladies diverses, se soumirent sans murmurer beaucoup.
Tel est le respect de l’argent en Amérique, qu’il semble sacrilège de lui résister.
— Bagasse, ne put s’empêcher de grommeler le Marseillais. Je me répète, mais aussi il y a de quoi. Les bonnes gens, qui, en France, nous parlent toujours de la liberté américaine, sont de simples galéjadeurs, pour ne pas dire pis.
Quant à Marius, en sa qualité de Texien, il avait conservé l’indépendance d’allure et de langage qui caractérise les fils du Mexique.
— Par la Madona, dit-il, si j’avais pris mon ticket pour cette cité, il n’y aurait ni shérif, ni constables pour m’empêcher de descendre. Avec une bonne navaja et un bras solide, on se fraie un chemin partout.
Et le train filant de nouveau à toute vapeur, Marius, pour apaiser sa mauvaise humeur, se mit à parcourir le convoi de tête en queue.
Parfois, il s’arrêtait sur les passerelles à balcon qui relient les voitures. L’air, rafraîchi par la marche rapide, lui fouettait le visage, l’amenant peu à peu à oublier le sujet de sa colère.
Scipion vint le rejoindre pendant une de ces stations.
— Marius, lui dit-il à brûle-pourpoint, n’as-tu remarqué dans le convoi aucune personne de connaissance ?
Le Texien ouvrit des yeux surpris :
— Non, monsieur.
— Oh !
Comme le Marseillais se taisait, son interlocuteur, reprit :
— Je ne me permets pas d’interroger Monsieur, mais Monsieur avait certainement une raison pour me poser la question de tout à l’heure.
— J’en avais même deux.
— Deux ?
— Oui. Il y a dans le train un homme qui m’évite.