Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/143

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— Tu es un drôle, pécaïre, mais tu me plais. Regarde bien ce wagon. Des voyageurs y reposent la nuit.

— Oui, gentleman.

— Or, je suis correspondant d’un journal, qui tient à être bien informé de tout.

— C’est un bon journal, gentleman.

— Il me faut les noms, les gares de destination des voyageurs de ce wagon.

— Les gares, facile ; les noms, c’est autre chose.

— Si tu réussis, je doublerai la prime.

Cette fois, le domestique nègre passa sa langue sur ses lèvres :

— Le gentleman dit donc vingt dollars.

— Je dis vingt dollars.

— Comptez sur moi.

Et le noir disparut, sa large face illuminée par l’espoir de toucher bientôt cette aubaine inespérée.

Ce fut seulement à l’heure du dîner qu’il remit à Scipion la liste des passagers du Pullmann désigné.

— J’ai eu du mal, gentleman. Sur les sept personnes qui occupent la voiture, cinq se déplacent constamment. Rien n’a été plus aisé que de relever les inscriptions de leurs valises… le chef de train m’a donné la teneur de leurs tickets ; voici ces renseignements. Mais les deux dernières ne bougent pas. Alors le tintement lointain des dollars m’a rendu malin. Je me suis dissimulé sans bruit derrière un fauteuil et j’ai écouté la conversation des gentlemen. Pas bavards, deux heures de faction. Seulement j’avais appris au restaurant que l’un, était le serviteur de l’autre, et qu’il venait chercher le repas de son maître, qui mange dans son wagon, à l’heure du dîner… Ils parleront, me disais-je.

— Et ils ont parlé ?

— Oui, gentleman. Le laquais s’appelle : Bell !

— Bell, s’écrièrent les auditeurs du noir en échangeant un regard significatif, Bell !

— Oui.

— Et l’autre, l’autre ?

— Pour celui-là, je n’ai pu réussir. Son domestique l’appelle seulement : Sir… Cette nuit peut-être serai-je plus heureux. Quant à la destination de ces voyageurs, c’est Oklahoma, en plein territoire indien.