Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/151

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— En ce cas, Monsieur me pardonne, mais je ne vois pas…

Atann un peu (attends un peu), tu es impatient comme un moco ; on dirait qué lou soleil, il a fait rire ton cervelet. Si Sullivan descend à Oklahoma, nous l’aurons sur les bras, ce requin d’eau douce, ce crocodile, et il nous disputera nos chevaux.

Marius ne put retenir un sourire en constatant que son maître, emporté par son improvisation, considérait déjà les coursiers comme lui appartenant.

— Monsieur indique où le bât me blesse.

— Et tu ne vois pas la solution, espiègle ?

— Je l’avoue.

Scipion eut un haussement d’épaules pitoyable :

— Ton père était pourtant de Marseille, fiston. Comme on baisse quand on vit loin des Bouches-du-Rhône. Enfin, tu te formeras, j’espère. Je reprends. Que Sullivan ne quitte pas le train à Oklahoma, et il ne sera pas sur la place de la gare pour nous gêner.

— Évidemment, mais… ?

Un estant (un instant), tarasquette, un estant. Il est donc indispensable qu’il ne descende pas.

— Oui.

— La prudence m’interdit de le blesser.

— Monsieur me l’a fait comprendre à l’instant.

— Eh bien… tu devines pas ?

Avec une réelle confusion, le Texien avoua du regard que le but où tendait son interlocuteur n’apparaissait en aucune façon à son intellect.

Mais Massiliague, que l’embarras de son domestique semblait amuser, ne jugea pas à propos de l’éclairer encore. Du ton dont on présente un rébus, il continua :

— Voyons, pitchoun, cherche avant de donner ta langue aux chiens. Qu’est-ce qui peut bien empêcher un homme en bonne santé de descendre à la gare pour laquelle il a pris un billet ?

Désespérément, Marius étendit les bras à droite et à gauche.

— Tu vois pas, té ?

— Je sollicite humblement le pardon de Monsieur.

— Je te l’accorde, mon fils, ainsi que ma bénédiction. Seulement tu es un sottinet. Sache donc qu’un voyageur bien portant ne descend pas à la station… si le train ne s’y arrête pas.

Cette fois, la bouche de Marius s’ouvrit en O ma-