Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/152

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juscule, ses sourcils se recourbèrent en accents circonflexes, ses traits disaient si clairement que la proposition audacieuse du Marseillais dépassait les limites de sa compréhension, que Scipion s’esclaffa :

— Pauvre de toi… Ta tête, garçon, sonne le creux ainsi qu’un estagnon[1] fêlé. Le train s’arrête pas, te rends-tu compte que Sullivan ne descend pas ?

— Je me rends compte…

— Tu vas encore me sortir un : seulement…

— Monsieur lit dans ma pensée. Le convoi « brûlant sans arrêt » Oklahoma, je crois que Monsieur ne descendra pas non plus.

Scipion dédaigna de répondre. Ses lèvres s’avancèrent en une moue dédaigneuse et il écrasa son interlocuteur de ces deux mots :

— Peuh ! farceur !

Auxquels succéda un :

— Viens, tu verras, qui n’admettait pas de réplique.

La tête basse, tel un chien battu, Marius regagna, sur les talons du Marseillais, le sleeping qui contenait leurs couchettes.

Là, Massiliague lui montra sa montre :

— Deux heures et demie du matin, fit-il. À quatre heures et demie nous devons être à Oklahoma. Il nous reste deux fois soixante minutes. Équipons-nous.

Obéissant, le Texien se rehaussa, se chargea de ses armes, imitant de point en point son chef, tout en se demandant tout bas :

— Que va-t-il faire ?… Il n’a pas la prétention de sauter à bas d’un train filant à toute vapeur. Alors quoi ?

Quand il fut prêt, Scipion s’assit sur son lit et parut méditer.

— Son silence dura longtemps. De temps à autre il consultait sa montre. Enfin il se leva.

— Quatre heures, il est temps, viens, mon fils.

Toujours docile, Marius calqua ses mouvements sur ceux de son maître. L’un précédant l’autre, les deux personnages traversèrent le train dans toute sa longueur, et parvinrent à l’extrémité du car, en avant duquel étaient attelés les fourgons à bagages.

Très calme, Massiliague désigna du doigt le mar-

  1. L’estagnon est un récipient de verre ou d’étain, usité dans le Midi pour enfermer l’huile d’olives ou l’essence.