forts Texiens, où l’État rassemble ses milices en cas de besoin.
— Je le concède.
— Dès lors, une troupe, qui suivrait la rivière, serait menacée durant tout le parcours d’être prise en flanc par les Américains.
— Et tu conclus ?
— Que la señorita a sûrement choisi la rivière Canadienne, que des centaines de kilomètres de llanos protègent contre les atteintes des milices. C’est donc elle qu’il s’agit de rejoindre…
— À la bonne heure, s’exclama Scipion, la vue de ces llanos me contristait. Au moins nous ne manquerons pas d’eau.
— Voilà ce que je n’oserais affirmer à Monsieur.
— Dans une rivière, il y en aura toujours assez pour nous.
— Ah ! Monsieur ne connaît pas les rios du pays de la soif. Durant la saison des pluies, ce sont des torrents mugissants qui roulent des eaux tumultueuses, tantôt au milieu de plaines basses qu’ils inondent, tantôt dans des gorges étroites, des barrancas où les flots écument, bondissent de rapides en rapides, de chutes en chutes. Vienne la saison sèche, les eaux baissent. Le fleuve devient rivière, la rivière devient ruisseau, puis le soleil semble boire le filet liquide, le sable paraît l’absorber, et il ne reste plus qu’un lit asséché, avec, de loin en loin, quelques mares alimentées par des sources souterraines.
— Pécaïre, soupira, Scipion voilà une agréable contrée !
— Oh ! que Monsieur ne se décourage pas. Malgré tout, au voisinage des fleuves, le sous-sol, gorgé d’humidité pendant l’hivernage, en conserve assez pour nourrir une végétation relativement abondante. Les animaux du désert se rassemblent aux abords des sources permanentes. Gibier, ombre et eau, le voyageur trouve tout ce dont un homme a besoin pour vivre.
Puis avec un accent songeur :
— Il est vrai qu’il trouve aussi des gens dont il éviterait soigneusement la rencontre, si cela était en son pouvoir.
— Quels gens ?
— Les pirates du désert, blancs ou rouges, qui, eux aussi, se tiennent dans le voisinage des cours d’eau.