Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/168

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par la nourriture, restèrent étendus sur le sol, digérant leur festin. 

Une chaleur accablante embrasait l’atmosphère. Dans l’intérieur du wigwam régnait une température d’étuve. Le soleil de midi versait une pluie de feu sur la terre. Tout en épongeant, d’un geste las, son front où perlait là sueur, Massiliague parlait :

— Oh ! ce temps ! Quelle bonne fortune pour des anthropophages, mon bon. Dans un moment, je serais mis à point. Le soleil remplit les fonctions de cuisinier des cannibales. Que l’un de ces philanthropes, amis de l’humanité comestible, se présente ; je te donne mon billet qu’il lui suffira de saler et poivrer mon individu rissollé avant de l’admettre sur sa table.

Marius écoutait les plaisanteries de son maître, l’air somnolent, les paupières mi-closes.

Soudain tous deux tressaillirent.

Dans le grand silence au milieu du jour, un murmure de voix arrivait jusqu’à eux.

Des voix, donc des hommes, vraisemblablement des ennemis. En une seconde, ils eurent secoué leur engourdissement, et, la main sur leurs armes, ils écoutèrent.

Le son devenait plus élevé. On eût dit qu’une lente mélopée, coupée de silences brusques, s’élevait à quelque distance :

— Quésaco ? grommela Scipion.

Tout bas, Marius répondit :

— On croirait entendre un chant de mort.

— Un chant de mort ?

— C’est juste ! Monsieur n’est pas du pays, il ne connaît pas cela. Lorsqu’un Peau-Rouge sent le trépas tout proche, il chante, retraçant sa vie, ses exploits. D’après la croyance de ces gaillards, la cérémonie est nécessaire pour avertir les ascendants défunts déjà retournés « aux territoires de chasse du Grand-Esprit » que le moment est venu de se grouper autour de l’âme du moribond et de la préserver des atteintes des génies du mal.

— Alors, d’après toi, un mourant se trouverait dans le voisinage ?

— Je crois pouvoir l’affirmer à Monsieur.

— Allons voir.

Les voyageurs se glissèrent hors du wigwam et lentement, se dissimulant derrière les huttes, se diri-