Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/169

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gèrent vers l’endroit où le chant de mort retentissait toujours.

Bientôt, il n’y eut plus de doute pour eux ; le son s’échappait d’une cabane située à l’extrémité du village. Il passait rauque et triste sur la terre muette ainsi qu’une plainte de l’au-delà.

À pas de loup, Scipion et Marius gagnèrent la case et, se penchant à l’ouverture, regardèrent à l’intérieur.

Un étrange spectacle frappa leurs yeux.

Couché sur une natte, un vieillard psalmodiait d’une voix chevrotante. C’était un Indien ; ses cheveux blancs, ramenés en mèche au sommet du crâne et maintenus par un ruban rouge, formaient le scalp, coiffure des guerriers.

Livide, les prunelles déjà voilées par l’approché de la mort, l’homme épuisait ses dernières forces à rappeler sa vie passée.

— Le Cheval Noir a senti ses jarrets d’acier paralysés. Il ne pouvait suivre sa tribu au grand conseil des Séminoles. Il leur a dit : Partez… laissez-moi seul. Le Cheval Noir saura faire entendre son chant de mort. Allez, les temps annoncés sont proches. Que nul ne manque à l’appel. Le vieillard que le Grand-Esprit rappelle, ne doit immobiliser aucun bras valide.

Massiliague frissonna à ces étranges paroles. L’abandon du village, l’absence des tribus séminoles, tout lui semblait expliqué. Un grand conseil indien se tenait en un endroit ignoré… Une cause mystérieuse — les temps sont proches, disait le moribond — avait décidé cet exode en masse.

Et d’instinct le Marseillais devinait que la venue de la Mestiza, de la Vierge du Sud, n’était pas étrangère au départ en masse des Séminoles.

Il fit un pas vers le mourant, avec l’intention de l’interroger, de lui arracher le secret que la mort allait ravir ; mais Marius, oubliant pour la première fois les formes obséquieuses qu’il avait adoptées vis-à-vis de son maître, le retint par sa manche :

— Non, on ne trouble pas celui qui part.

Et comme le Marseillais se mettait en devoir de répliquer, son compagnon appuya un doigt sur ses lèvres, et, s’agenouillant, il entonna le De profundis.

Avec la dévotion naïve des Sudistes, dévotion faite surtout de pratiques extérieures, il lançait la prière