— Pas du tout. Vous vous présenteriez en son lieu et place.
Le sénateur secoua la tête :
— Dolorès ne m’accepterait pas.
— Si un autre se présentait.
— Un autre, peut-être…
— Il suffirait alors de suivre ses traces et…
— Mais, señor, il faudrait de l’argent et je n’en ai pas…
— J’en ai, moi.
Villagran tressaillit :
— Vous, señor ?…
— Moi. Je vous le répète, je veux l’Amérique aux Américains. Ma fortune est à votre disposition.
— C’est une expédition à former.
— Je m’en charge.
— En ce cas, senior, je marcherai de grand cœur dans la voie que votre magnificence vient de me tracer. Donc demain nous prendrons à sept heures du matin, — c’est l’heure à laquelle le « gachupino » quittera Mexico, — nous prendrons le chemin de fer jusqu’à la station de Chilmahua, capitale de l’État du même nom. Là, nous abandonnerons le ferrocarril (chemin de fer) et traversant à cheval le llano de los Cristianos, nous passerons dans l’État de Coahuila et atteindrons San Vicente. Cet ordre de marche vous convient-il ?
La bouche de Sullivan s’ouvrit en un large rire :
— Oui, sauf l’heure matinale du départ de Mexico.
— Impossible de la retarder, puisque Scipion Massiliague…
— Scipion Massiliague ne prendra pas le train.
— Hein ? s’exclama le sénateur ébahi.
— Il ne montera pas en wagon, appuya Joë, parce que j’ai décidé qu’il en serait ainsi. Dormez donc tranquillement la grasse matinée, et fixons notre embarquement à quatre heures du soir.
— Mais Massiliague ?
— Ne vous inquiétez pas de lui. C’est un « épris de suicide », vous le savez… Eh bien ! un pressentiment m’avertit que demain à quatre heures, il aura rencontré la mort à laquelle il aspire.
Bartolomeo n’insista pas. Il vida d’un trait son verre de pulque et le reposa sur la table en disant attendri :
— Grand bien lui fasse !