Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/229

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La disette, c’est-à-dire la faiblesse accrue d’heure en heure, la rage impuissante usant les suprêmes forces… ; et puis la défaite dans l’impossibilité de soutenir la lutte.

Voilà ce qui désole les braves gens. Voilà ce qui met une ombre sur le front pur de Dolorès Pacheco.

Est-ce que ses projets géants vont être réduits à rien, par suite du défaut d’un peu de nourriture ? Est-ce que son esprit, voyageur infatigable de l’infini, va s’arrêter à cause d’un ridicule besoin matériel de l’estomac ?

Or, comme elle songeait tristement, Francis Gairon s’approcha d’elle.

— Doña, fit-il doucement.

Elle leva les yeux, comprit qu’il avait à lui dire une chose importante, et rappelant le sourire sur les lèvres :

— Qu’y a-t-il ?

— Une découverte que j’ai faite tout à l’heure, doña.

— Une découverte ?

— Dont on pourrait tirer parti sans doute.

Elle ne le laissa pas continuer :

— Pour échapper aux Indiens ?

Toute l’âme de la jeune fille passa dans cette question.

Le Canadien fit oui de la tête.

Alors elle lui prit la main, l’entraîna à l’écart, et d’une voix haletante :

— Parlez, parlez, mon ami. Ce n’est pas le souci égoïste de vivre qui m’agite à cette heure, — puis, avec un triste regard au ciel, — vous le comprendrez plus tard ; mais échapper à ceux qui nous assiègent, c’est la possibilité de poursuivre, d’achever notre œuvre.

Le visage du chasseur offrait un mélange d’admiration, de chagrin, de honte.

Auprès de la Mestiza, il ressentait toujours une sorte de gêne, mais, en ce moment, son trouble était plus grand encore que de coutume.

Il fallut qu’elle répétât :

— Parlez.

Alors, avec effort, il commença :

— Cette nuit, j’étais à l’affût à la crête de la falaise qui domine le Lac Noir. Je guettais un des démons rouges, puisque aussi bien leur envoyer quelques