Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/230

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projectiles est la seule et inutile vengeance qui nous soit permise. Or, les allures de celui que j’avais au bout de ma carabine m’intriguèrent. Vingt fois, je fus sur le point de lâcher mon coup, et vingt fois je le retins.

— Pourquoi ? murmura-t-elle.

— Vous allez le savoir. Le guerrier, un jeune Comanche, suivait la rive opposée du lac. Vous savez que, de ce côté, l’eau baigne le pied de la falaise. Il gagnait le massif de rochers éboulés qui se dresse à l’entrée de la gorge nord, reliant le Val au désert. Et, détail curieux, le coquin n’avait aucune arme. Il s’était même dépouillé de son manteau.

— Continuez, continuez, fit Dolorès intéressée par le récit.

— J’en conclus qu’il avait voulu avoir les mouvements plus libres…

— C’est probable.

— J’en eus bientôt la certitude, doña. Parvenu aux roches éboulées, le Comanche y disparut un instant, puis il se montra de nouveau à leur sommet. À quelle opération bizarre se livrait-il donc ? Tout à coup, je retins avec peine un cri de surprise. L’Indien avait quitté son piédestal de rochers, et, lentement, il avançait, collé au flanc même de la falaise.

— Au flanc de la falaise… c’est impossible, Francis.

— C’est ce que je me dis d’abord, reprit le chasseur ; je me frottai les yeux… rien n’y fit, la vision persista. L’homme rouge progressait doucement, semblant remonter une pente douce qui devait l’amener à sept ou huit mètres au-dessous du point où je me trouvais. Le merveilleux, vous le savez, doña, n’a pas grande place dans l’esprit des coureurs de la prairie. Tout s’explique. Déjà, une explication se présentait à ma pensée.

— Laquelle ?

— Il doit y avoir là une corniche étroite qui nous a été cachée jusqu’à cette heure par le surplomb de la crête. C’est sur ce chemin aérien que s’appuyait le drôle. Et, sans bruit, je m’allongeai à terre, la tête dépassant l’escarpement.

— Eh bien ?

— Je ne m’étais pas trompé. Sans doute, le Comanche avait distingué la sente dangereuse de l’autre côté du lac, et il l’explorait, afin de savoir, selon