Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/235

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— Les blocs de la passe Nord, se déclara-t-il. Attention ! La passe est certainement gardée.

À présent, il se glissait avec peine parmi les masses de pierres entassées au hasard par les éboulements. Et soudain, il resta immobile, la tête penchée en avant.

À deux mètres de lui, son cheval entravé un peu en arrière, un Indien était debout, appuyé sur sa lance, au milieu même du sentier étroit conduisant du Val Noir à la prairie.

Évidemment, le guerrier était sans défiance.

Quelle apparence qu’il pût être attaqué en ce point ? Aussi chantonnait-il sur un air lent et doux, la mélopée de la Squaw que le colonel Anderson a su traduire en lui conservant sa tournure naïve et prenante :

xxLe Grand Esprit a créé la squaw —
pour être l’esclave — de l’homme
valeureux. — Mais il lui a donné la
beauté ; et l’homme est l’esclave
de la squaw.

xxEt comment en serait-il autrement ? —
Toute jeune, la squaw s’appelle
fille. — Plus âgée, elle prend le nom
de fiancée, de femme. — Et quand
elle a vieilli, les jeunes guerriers la
nomment « mère ».

La chanson s’acheva dans un râle sourd, murmure suprême d’agonie. Francis avait bondi en avant et son machete avait ouvert la gorge de l’Indien.

Le chasseur se redressa, écoutant.

Rien n’avait bougé aux environs.

Alors, il arracha le manteau du Peau-Rouge, le déchira, et des morceaux enveloppa les sabots du cheval qui, les naseaux dilatés, allongeait le cou vers celui auquel il obéissait naguère.

— Un cheval, voilà une aubaine, murmura Gairon. Allons, allons, j’ai mis la doña en péril, je la sauverai…

Et avec un soupir :

— Avec cela mon année d’engagement s’avance. Peut-être pourrai-je obéir à mon cœur sans trahir personne !

Il fit une pause, puis acheva :