Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/257

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tuelle. Ils s’avertissent réciproquement, afin de régler leur marche.

Et, haussant les épaules :

— Allez, allez, chef. Ils savent qu’avant d’arriver ici où nous sommes, beaucoup des leurs partiront au pays des Esprits. Ils se croient assurés de la victoire, mais ils ne doutent pas qu’elle soit chèrement achetée.

Puis, comme répondant à une pensée soudaine :

— Mais comment ces écumeurs du désert ont-ils osé reprendre l’affaire, après la visite du chef séminole que vous aviez ramené ?

— Je ne comprends pas.

— Il doit y avoir là-dessous quelque trahison des diables rouges.

— Peut-être Cœur de Feu a-t-il payé de sa vie sa généreuse intervention.

Il y eut un silence.

— C’était un brave, murmura enfin Gairon, sur le ton grave d’une oraison funèbre.

— C’était un brave, redit Pierre.

Mais les Canadiens s’interrompirent soudain.

Les buissons factices qui, depuis une heure, progressaient lentement dans la plaine, avaient atteint le bas de l’éminence sur laquelle était établi le campement.

Et d’autres fourrés les suivaient, donnant l’impression d’une forêt en marche.

Au pied de la colline, les branchages se mêlaient, s’épaississaient, formant un fourré sans cesse agrandi.

Les assiégeants se massaient avant de pousser leur redoutable cri de guerre.

Pierre eut une moue ennuyée :

— Cela nous annonce un effort irrésistible.

Et, comme son compagnon gardait le silence.

— Les coquins, continua l’engagé avec une colère croissante, sont bien informés. Ils connaissent notre disette de cartouches et vont sacrifier vingt ou trente de leurs guerriers, certains que les autres parviendront jusqu’ici.

Un tremblement secoua tout le corps de Gairon.

— Jusqu’ici, répéta-t-il d’un air égaré… ils sont certains, dis-tu… Mais toi, toi… tu ne penses pas qu’ils réussissent.

— Les balles seules pourraient les arrêter,