Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/264

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— Je vais savoir… La lettre que j’ai glissée sous sa tente, durant son absence… Il la verra, et mon sort se décidera.

La jeune fille, en effet, profitant de la sortie de Massiliague, avait pénétré dans sa tente, y avait déposé une lettre qui, du moins elle l’espérait, allait amener une explication, au cours de laquelle il lui serait possible d’apprendre si elle devait conserver l’espoir de devenir l’épouse du Marseillais.

La mignonne Vera, après avoir supporté tant de fatigues, tant de dangers, pour celui que son cœur ingénu avait distingué, ne se sentait plus la force de garder le silence, de rester en face de son héros sous la forme obscure et pseudonymique du peone Coëllo. Et, retenant son haleine, frémissante d’anxiété, elle demeurait là, considérant de ses grands yeux troublés la toile de la tente qui lui dérobait la vue de Scipion.

Soudain, elle tressaillit.

L’organe sonore de Massiliague se faisait entendre :

— Cap de dious ! le service de la poste, il se fait même dans le désert !

Vera appuya sa main sur son cœur et bégaya :

— Ma lettre. Il a trouvé ma lettre.

Un bruit de papier déchiré parvint jusqu’à elle.

— Il la décachette, fit la jeune fille.

C’était vrai. Le brave Scipion venait de déchirer l’enveloppe et, curieux comme on l’est à Marseille, il lisait :

« Señor,

« Au désert, la franchise est forcée. Le temps manque pour les longues hésitations, pour les phrases embrouillées où se complaisent les habitants des villes.
xxxx« De même que, lorsque l’aigle rapide passe dans le ciel, le chasseur doit épauler et faire feu, de même quand passe l’homme qui paraît être celui que l’on attend, la fiancée émue doit le lui dire sans détours.
xxxx« L’aigle ou le fiancé se seraient bientôt éloignés et auraient disparu, l’un dans les profondeurs bleues du ciel, l’autre dans l’immensité fauve du désert.
xxxx« Voilà pourquoi naguère, hôte fugitif de don Fabian Rosales, vous avez trouvé sur le rebord de votre fenêtre le bouquet de sospiriano, qui dit au cavalier : « Señor, une fiancée songe à vous. »
xxxx« Voilà pourquoi, ici, au Val Noir, vous recevez