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Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/271

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— Ma vie est à la doña.

— C’est bien. Alors tu es prêt à m’obéir, à tout faire pour démasquer et punir les coupables ?

— Tout. Je vous le répète… Ma vie est à la Vierge mexicaine.

— Parfait. Tu es jeune, mais tu es carré… Té, en France, le poète l’a dit : La valeur n’attend pas le nombre des années… C’est en langue d’Oï, moins musicale que la langue d’Oc, mais c’est vrai, tout de même.

Il appuya familièrement la main sur l’épaule du pseudo-peone, sans remarquer que ce dernier frissonnait à ce contact.

— Écoute, petit, poursuivit-il. Nous pourrions réunir nos amis, leur faire part de ce que tu as entendu. Ce serait simple, rapide… mais pas sûr du tout.

— Pas sûr ? l’aveu du coupable ?

— L’aveu, comme tu y vas. Des paroles prononcées en dormant, ce n’est pas une preuve, cela. Le chasseur nierait.

Vera eut un haut-le-corps.

— Le chasseur, je ne l’ai pas nommé, vous saviez donc ?…

— Je soupçonnais, pitchoun, comme un homme qui, engagé dans une mauvaise affaire, a pour règle d’ouvrir l’œil. Je reprends. Le chasseur nierait… arguerait d’un songe lugubre, et Dolorès, étant la bonté même, le croirait. Dès lors, le coquin, mis sur ses gardes, serait insaisissable et pourrait nous rouler tout à son aise.

— C’est vrai, reconnut la jeune fille devenue pensive.

— Tu es intelligent, ma caillou, tu conçois de suite. Ça va marcher tout seul. Primo, tu vas faire un nœud à ta langue.

— Vous exprimez ainsi que je tairai ce que je sais.

— Très intelligent, décidément. C’est cela même, tu ne répéteras à personne ce que tu m’as dit.

— J’obéirai.

— De mieux en mieux. Pour moi, je vais chercher la preuve matérielle de la trahison, et je te donne mon billet que, si malin que l’on soit au Canada, on n’est pas de force avec Marseille.

Pour finir, Scipion secoua énergiquement la main du faux peone :

— À cette heure, va te reposer, bravounetto.