Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/272

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— J’y vais.

— Et surtout ne t’inquiète pas. Je veille sur Dolorès, elle n’a plus rien à redouter.

La recommandation était inutile. Dès la première entrevue, Vera avait accepté, comme parole d’évangile, la faconde du Marseillais. Peut-être, avec cet instinct merveilleux des natures primitives, avait-elle discerné le vrai courage de cet enfant de Provence, aussi capable d’exagérer l’héroïsme de l’action que le lyrisme du récit.

Rassurée, puisqu’il affirmait la Mestiza en sûreté, elle sortit, gagna sa tente et s’étendit sur sa couchette en murmurant :

— Il m’associe à l’œuvre de justice, je suis plus près de sa pensée qu’auparavant. Merci à la Madone qui a permis cela.

Avec la ferveur familière des habitants des Républiques espagnoles, elle mêlait naïvement la Madone aux émotions tendres de son âme.

Le lendemain, de grand matin, Scipion appela son fidèle Marius. Entre le Marseillais de Marseille et le Marseillais du Texas eut lieu une courte conversation à voix basse.

Après quoi tous deux se munirent d’une boîte de fer-blanc, qui avait jadis contenu des conserves, et ils descendirent vers la plaine.

On ne les revit qu’a l’heure du déjeuner.

Aux questions curieuses de Rosales, de Cigale et des Canadiens, ils répondirent qu’ils étaient allés herboriser.

Et comme on s’étonnait de la passion subite de Scipion pour la recherche des plantes, il s’écria avec l’aplomb merveilleux de ses compatriotes :

— Vé, mais c’est une passion d’enfance. Dans les Alpes provençales, j’ai fait des lieues avec mon herbier. Si j’ai négligé une étude attrayante, depuis mon arrivée dans le nouveau monde, c’est que j’ai été employé sans cesse à autre chose. Mais puisque la maladie de notre chère Mestiza me laisse des loisirs, je retourne à mes premières amours.

Quant à Marius, mis en verve par le speech de Massiliague, il affirma qu’aucun Texien ne connaissait les plantes comme lui-même.

Le repas terminé, les deux « botanistes » — ils avaient incontinent été appelés ainsi — quittèrent de nouveau le campement.