Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/274

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vaquero s’aventurant dans la prairie en emporte avec lui. Mais il ne faut pas que les Indiens puissent s’en emparer. Alors, voici comment on procède : sous le bras, on pratique une incision dans la peau, on y introduit un petit cylindre d’os poli. Au bout de huit jours, on a ainsi obtenu une véritable petite poche dans le cuir, une poche qui ne se referme plus. On extrait le morceau d’os et on le remplace par un petit tube de verre épais, contenant quelques gouttes de scapleteletl. De la sorte, si l’on est pris par les diables rouges, on est certain de ne pas souffrir. Le moment de supplice venu, on ingurgite le contenu de son tube et l’on ne sent plus rien. Les damnés rouges attribuent notre impassibilité à notre grand courage. On les laisse dire, car cela les rend plus prudents. Tenez, quand je résidais au Texas, il y avait, dans la ferme où j’étais employé, un vieux vaquero que l’on avait arraché aux Indiens, alors que déjà ces bêtes à face humaine l’avaient attaché au poteau du supplice. On lui avait, il est vrai, extirpé les ongles des mains quand on le délivra. Eh bien ! c’est très douloureux, l’arrachement des ongles… Pourtant le vieillard nous jura sur son honneur éternel qu’il n’avait ressenti autre chose qu’un léger chatouillement.

— Alors, grommela Scipion, coupant sans façon la parole au narrateur, prépare ta drogue, tandis que je vais herboriser ; nul ne doit se douter que mon amour pour la botanique est une simple galéjade.

De fait, nul ne soupçonna la ruse pendant les quinze jours qui suivirent.

La convalescence de Dolorès marchait à grands pas ; maintenant la blessée se levait et faisait sur le plateau de courtes promenades.

— Encore une semaine, déclara un matin le docteur, et elle pourra se remettre en route.

L’homme de l’art ne se trompait pas. La huitième journée n’était pas terminée que le campement semblait en ébullition. Chacun déployait une activité fébrile. On devait partir le soir même, à la fraîcheur de la nuit.

Cœur de Feu qui, après la victoire, s’était éloigné avec ses guerriers, avait reparu. Cette fois, une dizaine de Séminoles seulement l’accompagnaient, tenant en mains des chevaux pour la petite troupe de la Mestiza.

Le jeune chef apportait des nouvelles graves.