Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/275

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Entre le Val Noir et la frontière du territoire indien, les soldats nordistes formaient une ligne de postes qu’il s’agissait de traverser sans attirer l’attention.

Joë Sullivan, agissant pour le compte du gouvernement, avait appelé les chefs séminoles en conseil et leur avait dit en substance :

— La Mestiza s’est engagée dans une entreprise que nous jugeons mauvaise pour les États-Unis. Par tous les moyens, nous l’empêcherons de réussir et nous considérerons comme des ennemis ceux qui lui prêteront leur concours. Rentrez dans vos, villages et demeurez simples spectateurs d’une aventure, où vous n’avez à espérer que des horions.

— Les Séminoles continua Cœur de Feu, ont acquis la prudence en même temps que la civilisation. Jadis, à de telles paroles eût répondu un cri d’indignation. Aujourd’hui, ils se sont inclinés et m’ont abandonné. Moi seul et les quelques guerriers qui me suivent prêterons assistance à la Vierge mexicaine, à celle qui se dévoue à l’affranchissement des peuples hispano-indiens.

Présent à cet entretien, Massiliague avait hoché la tête d’un air satisfait :

— Vé, dit-il, après cela, il faut tenir conseil.

— Conseil, répliqua Dolorès, et pourquoi ? Dussé-je rester seule, je lutterai jusqu’au bout.

— Et nous ne vous quitterons pas ! s’écrièrent Fabian, Cigale, Coëllo, le Puma.

Le Marseillais rit bonnement.

— Moi non plus, je ne pense pas à vous laisser seule… Une jeune fille abandonnée dans la prairie, ça manquerait de chevalerie… Les Provençaux, ils ont vaincu la tarasque (dragon fabuleux) de Tarascon, donc ils se soucient des Nordistes comme d’une bastide en ruines. Je voulais proposer simplement de prendre le thé tous ensemble et de donner chacun son avis sur le moyen le plus sûr de tromper la vigilance de nos ennemis.

Et aussi paisible que s’il n’avait aucune arrière-pensée :

— Si vous ne voulez pas tenir conseil, acceptez toujours le thé… Mon fidèle Marius a une recette merveilleuse et je vous conterai une histoire de mon pays.

On le sait, la bonhomie de Scipion était irrésistible.