Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/277

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en avoir l’air sur la romanesque enfant, remarqua que ses yeux rayonnaient de bonheur.

On devait partir vers huit heures du soir. À cinq, tout le monde se réunit sous la tente de Dolorès.

L’hacendado, le Parisien Cigale, Coëllo, le Puma, Cœur de Feu, Francis et Pierre entouraient la jeune fille.

Scipion, tandis que Marius apportait à chacun sa tasse de thé, infusé selon toutes les règles de l’art, Scipion parlait :

— Chers amis, rien ne dispose à bien marcher autant qu’une bonne histoire. C’est une bonne histoire que je veux vous conter.

Et tout bas à Coëllo, assis auprès de lui et dont les regards ne le quittaient pas :

— Attention, pitchoun, quand j’aurai fini, le traître, il sera hors du combat.

Puis à voix haute :

— Donc, je vais vous dire comment j’ai hérité le mobilier de mon cousin Marcassou et comment je n’ai jamais pu m’en servir.

À ce début, toutes les lèvres sourirent.

— Cela vous semble drôle, reprit imperturbablement l’orateur. Tant mieux. Je commence. Mon cousin Marcassou était un brave homme comme tous les Marseillais, et aussi un homme brave, comme tous les Marseillais également. C’est à cause de cette double qualité que son mobilier me devint inutilisable.

— Bon, interrompit Cigale, il avait une bravoure désastreuse pour les meubles.

— Juste, mon bon ; mais assez de préambules. Je vous narre le récit à la première personne, tel je l’ai trouvé couché dessus le testament du digne Marcassou.

Et enflant la voix, scandant les phrases de gestes que seuls esquissent les riverains de la Joliette, Scipion commença :

— C’est mon cousin qui parle : « Mon bon Massiliague, tu as connu Bombardade, un grand, gros, fort comme un teuf (Turc), dont la bastide, avec son jardinet, bordait la route de Marseille à Aubagne. Tu l’as connu, je te dis… et surtout sa fille, la Louisette, une brune opulente, avec des pieds de duchesse et des mains… d’impératrice.

La Louisette vous avait aussi un œil, ou plutôt deux yeux, car elle n’était point borgne ; deux yeux,