Il entourait Francis d’un lacis serré de cordelettes, il s’emparait des armes de Pierre auquel, par un surcroît louable de précautions, il attachait les mains derrière le dos.
Après quoi, il tira de sa poche un petit flacon à demi rempli d’un liquide rougeâtre. Il en versa quelques gouttes dans la tasse du Canadien, additionna ce remède d’un peu de thé, puis, écartant les dents du dormeur, il le força à avaler la mixture.
L’effet fut instantané.
Un frisson agita le corps de Francis, une rougeur couvrit ses pommettes… À deux ou trois reprises, ses paupières battirent et enfin ses yeux grands ouverts se fixèrent avec une expression étonnée sur son entourage.
Le silence général sembla l’impressionner.
Il voulut faire un mouvement ; mais, alors, il sentit les cordes qui enserraient ses membres.
Ses regards s’abaissèrent sur lui-même, pour se relever bientôt sur ses juges.
Seulement, dans ses yeux, il y avait plus de tristesse que de surprise.
— Francis Gairon, dit lentement la Mestiza. Vous, en qui j’avais mis ma confiance ; vous qui, sans y être forcé, m’avez priée de vous associer à mon œuvre d’émancipation, vous êtes l’engagé, l’associé, le serviteur, la chose de notre pire ennemi.
Elle lui présenta l’acte trouvé dans le portefeuille.
— Ce papier ne laisse aucun doute… Qu’avez-vous à répondre ?
D’un ton déchirant, mais froidement résolu, le Canadien répondit :
— Rien.
— Rien, répéta douloureusement la jeune fille. Rien. Réfléchissez. Songez que tous ici vous condamnent et que votre silence leur donne raison… Mais, croyez-moi, n’écoutez pas un entêtement né d’une fausse conception du courage… Je souhaite pouvoir vous épargner… Je souhaite qu’en dépit des apparences, il me soit permis de vous considérer comme innocent.
Ces paroles de pitié émurent le Canadien. Une grosse larme coula sur sa joue, mais avec force, presque brutalement :
— Que puis-je dire ? Je suis l’engagé de Joë Sullivan pour un mois encore. Si j’affirmais que j’ai re-