Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/288

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— Pardon, pardon, chef, pas de ces histoires-là. Je ne suis pas un de ces avocats beaux parleurs, comme il y en a chez nous dans les tribunaux, mais je sais ce que parler veut dire. Je n’ignorais pas que nous appartenions à Joë Sullivan… J’ai assisté à tout, je vous ai aidé en tout. Par conséquent, si on vous envoie chez le Grand Esprit, comme disent les Indiens, j’ai le droit d’être du voyage… et je réclame.

Cette fois, le tribunal improvisé approuva du geste. La vaillance, la loyauté ont des accents qui forcent la sympathie, même des ennemis.

La Mestiza surprit ce mouvement, et soudain, mue par un désir de clémence qu’elle ne s’expliquait pas bien elle-même :

— Vous avez été coupables envers moi seule, dit-elle. C’est donc à moi qu’il appartient de punir.

Les Canadiens s’inclinèrent.

— D’après l’usage de la Prairie, vous devriez mourir. Je répugne à verser le sang. Nous allons partir tout à l’heure… Vous resterez ici, séparés de nous à jamais. Fasse le ciel que le repentir touche votre cœur, que vous vous efforciez de racheter le mal que vous avez fait.

Elle dominait l’assemblée de toute la hauteur de sa générosité.

Aucune voix ne s’éleva contre sa sentence.

Cependant, la nuit était venue.

— En route ! ordonna la jeune fille.

Et elle quitta la tente, où les Canadiens demeurèrent seuls. Quelques instants plus tard, les Mayos du Puma arrachèrent les piquets, enlevèrent la toile, laissant assis à terre les deux chasseurs.

Ceux-ci virent toute la petite troupe en selle. Ils entendirent les sabots des chevaux sonner sur la pente rocheuse de l’éminence. Puis ils aperçurent encore une fois l’escorte de la Vierge mexicaine filer à travers la plaine. Enfin tout disparut à leurs yeux. À ce moment même, un homme se dressa auprès d’eux.

C’était le Puma.

— Chiens, dit le chef mayo, la doña vous a fait grâce de la vie, mais moi je n’ai pas pardonné comme elle. Je devais rester en arrière, vous rendre vos armes… Je les ai jetées dans le Lac Noir. Elles dorment au fond des eaux. Pour vous, je coupe vos liens avec ce couteau, et je vous le laisse. Que la faim