Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/292

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dent le cou, si, à moins d’un miracle, nous ne sommes pas trépassés avant une semaine.

Pendant quelques minutes, les interlocuteurs observèrent le silence.

Ils hésitaient à parler.

La situation était bien telle que l’avait dépeinte l’engagé. Perdus dans le désert, privés de leurs carabines, il leur était matériellement impossible de chasser… Dès lors, la conclusion logique de leur isolement était la mort par la faim.

Soudain, Francis se couvrit le visage de ses mains, et avec un sanglot de rage impuissante :

— Oh ! fit-il… mourir, mourir… en laissant en sa pensée le souvenir d’un traître, d’un misérable… c’est trop ! c’est trop !

— Chef ! balbutia l’engagé, bouleversé par cette explosion de douleur.

— Et ne pouvoir rien, rien… Victime de la parole donnée, il me serait interdit aujourd’hui encore de lui jurer fidélité… Ma signature me lie pour un mois, un mois… et à l’instant précis où j’entrevois la délivrance, le moyen de me dévouer à elle, sans restriction… cette abominable aventure…

Mais cette colère douloureuse tomba soudain, et l’athlétique chasseur gémit :

— Oh ! Dolorès, Dolorès, jamais tu ne comprendras combien le traître t’appartenait, combien de tendresse cachait la trahison !

C’était poignant d’entendre se plaindre ainsi, rendu tout à fait faible comme un enfant par la souffrance, ce chasseur vigoureux, cet homme de bronze qui affrontait le danger en souriant.

Cela dura longtemps.

Enfin l’émotion de Francis se calma peu à peu. Il leva les yeux vers le ciel et, après un instant de réflexion :

— il est environ dix heures. Mais la lune est claire, et puis la trace d’une troupe de cavaliers est aisée à suivre. En marche, Pierre, en marche. Usons nos dernières forces à nous rapprocher d’elle.

Sans répondre, l’engagé se dressa sur ses pieds, après avoir passé le couteau du Mayo à sa ceinture.

Les deux hommes, alors, quittèrent le lieu où était naguère le campement, et le plateau du Val Noir redevint désert.