Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/293

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Sans peine, les Canadiens retrouvèrent la piste de l’escorte, et la poursuite commença.

Poursuite insensée !

Quelle chance avaient les deux hommes à pied, désarmés, sans vivres, de rejoindre leurs anciens compagnons montés sur les excellents mustangs (chevaux) amenés par le chef séminole ?

Et même, s’ils les joignaient, ne seraient-ils pas repoussés comme des coupables auxquels on avait fait grâce.

Mais Francis ne voulait pas s’arrêter à ces pensées.

Avec un entêtement monotone, il répétait :

— Je sens qu’elle aura besoin de moi.

Parfois, il ralentissait sa course rapide.

— Quel rêve, si je pouvais offrir ma poitrine au fer qui la menacerait. Si je pouvais tomber à ses pieds, les éclabousser de mon sang… mourir en lui criant : Mestiza, celui qui entre dans le néant t’avait déjà donné son âme… il te donne son existence.

Toute la nuit, les géants canadiens allèrent ainsi.

Ils avaient reconnu au passage que l’escorte de Dolorès avait fait halte vers deux heures.

Sans doute, la convalescente s’était sentie fatiguée, et Francis eut, à cette pensée, un accès de colère.

C’était absurde d’imposer à la Mestiza, à peine remise de sa terrible blessure, une étape aussi pénible. On allait la tuer.

Le rude chasseur parlait comme un tendre père. Il lui poussait des inquiétudes presque féminines.

Et Pierre essayait vainement de l’apaiser.

À l’aube, tous deux s’arrêtèrent dans un vallon, où une caverne de faible dimension, formée par un écoulement de rochers, leur assurait un abri contre l’ardeur du jour. Ils étaient las.

Huit heures de marche, après les émotions violentes de la veille, avaient épuisé leur vigueur. Le repos devenait indispensable.

Avec cela, les premières atteintes de la faim apparaissaient.

Gairon eut un regard attristé pour la surface nue de la prairie, aux herbes desséchées, que le soleil levant dorait de ses rayons obliques ; puis il se jeta sur le sol et ferma les yeux.

Évidemment le sommeil était loin de lui, mais il souhaitait s’isoler, interdire toute conversation à son compagnon.