Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/301

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mille dollars constituent une somme assez rondelette pour que l’on puisse faire une part à qui vous aide.

Mais changeant de ton, le sous-officier demanda :

— Vous sentez-vous en état de supporter deux heures de cheval ?

— Trois si c’est nécessaire.

— Parfait ! alors, vous, je vous prends en croupe. Puis, appelant un de ses hommes :

— Fried, ordonna-t-il, tu feras de même pour ce gentleman.

De la main il désignait Pierre.

Cinq minutes plus tard, tout le monde était en selle et le détachement quittait au grand trot la rive de la mare où les chasseurs avaient failli trouver la mort.

Tout en trottant, le sous-officier parlait :

— Au camp, vous serez encore interrogé.

— Bon, fit Gairon, je répondrai comme je l’ai fait tout à l’heure.

— Certainement. Seulement, tâchez de rappeler vos souvenirs. Celui auquel vous aurez affaire est un malin parmi les malins, et un indice, sans importance pour vous ou pour moi, peut suffire à le mettre sur la voie.

— Qui est donc ce personnage ?

— Un gentleman qui s’est chargé d’empêcher la Mexicaine de mener à bien ce qu’elle a entrepris contre les États-Unis. Moi, je ne suis pas fort en politique, mais il paraît que c’est comme cela.

— Et ce gentleman ?

— À nom Joë Sullivan.

Francis sursauta :

— Sullivan ? redit-il en écho.

Dans l’espace d’un éclair, le chasseur avait entrevu le danger de se trouver en face de l’agent nordiste.

L’émotion de son accent n’échappa point au sous-officier.

Celui-ci se retourna à demi sur sa selle et d’un ton soupçonneux :

— On dirait que vous connaissez ce nom ?

Mais déjà Gairon s’était ressaisi et ce fut de l’air le plus tranquille qu’il répliqua :

— On dirait juste.

— En vérité.

— Et l’on pourrait ajouter que notre rencontre a quelque chose de providentiel.