Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/318

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— Dès lors, nous devons appliquer la sentence dans la plénitude de notre indépendance.

— La plénitude la plus plénitude.

— Bon.

— Sur ce, le Saxon prit une pose avantageuse, cligna des yeux d’un air malin, puis levant les bras au ciel :

— Le Grand Esprit m’inspire.

— Tant mieux, répondit le chœur.

— Il m’inspire un châtiment tout à fait digne de la faute.

— Voyons ! Voyons !

— Cette squaw a refusé de m’accorder sa main.

— Parfaitement ! Elle a refusé avec un couteau.

— Eh bien, je prends son pied.

— Son pied ?

— Totalement nu et j’y applique dix coups de cravache… C’est souverain pour les cors et cela lui permettra de rejoindre la tribu beaucoup plus rapidement qu’elle ne l’espérait.

Une hilarité rugie accueillit cette féroce plaisanterie.

Pour Dolorès, elle frissonna et tout bas murmura :

— Je suis perdue… Mon pied va me trahir… ils reconnaîtront qu’ils n’ont pas affaire à une Indienne !

Les miliciens avinés s’étaient précipités en désordre. Ils entouraient la malheureuse garrottée, étendue sur le sol, dans l’impossibilité absolue de faire un mouvement.

Ils se penchèrent vers elle, dénouèrent ses mocassins (chaussure indigène) avec des railleries lourdement impertinentes :

— Des officiers sont à vos pieds, ma belle.

— Vous voici dotée de valets de chambre triés sur le volet.

— On vous déchausse.

— En attendant que l’on vous époussette la plante pédestre.

Ils se tenaient les côtes, se livrant à des contorsions bachiques. Sous l’effort de leurs mains maladroites les mocassins cédèrent, mettant à nu les pieds blancs aux ongles délicatement rosés de la Vierge mexicaine.

Les miliciens s’entre-regardèrent, stupéfaits :

— Par l’orteil de Satan, s’écria enfin Andrew traduisant l’impression générale, cette squaw a des pieds de lady.