Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/328

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La sueur ruisselait sur son front tandis qu’il énumérait les contradictions perpétuelles auxquelles il avait été en proie. Mais tandis que son embarras augmentait, la Mestiza se rassérénait. Non, elle ne s’était pas trompée. Francis n’avait point été un coupable, mais une victime d’un point d’honneur étroit.

Il arriva au bout de sa pénible confession. Alors, toujours agenouillé :

— Doña, dit-il, hier, Joë Sullivan m’a rendu la liberté et j’ai juré de réparer le mal que j’ai fait à celle que j’adore ainsi qu’une madone. Toute la nuit, Pierre et moi avons suivi les miliciens ; puis, dissimulés dans un pli de terrain, à quelques cents mètres d’ici, j’ai attendu que la grande chaleur fermât les yeux de vos gardiens. J’ai rampé, rampé jusqu’ici pour vous apprendre toute la vérité.

Et avec un profond soupir :

— Doña, je ne vous ai rien caché. Voulez-vous que je sois celui qui assurera le triomphe de votre cause ?

Un instant, elle le considéra, un rayonnement dans les yeux, et enfin d’une voix si douce que le Canadien en fut ému jusqu’aux larmes :

— Parlez, dit-elle… je vous croirai.

C’était l’amnistie, le pardon, l’oubli du passé. Le mauvais rêve était fini.

Francis joignit les mains.

— Parlez, répéta la Mestiza.

Il s’inclina profondément, et se relevant enfin :

— Doña, fit-il, cinquante hommes à peine vous escortent. Pierre et moi serions de taille a vous délivrer… Je donnerais ma vie pour vous savoir libre… et cependant je crois prudent de vous résoudre à rester captive quelque temps encore.

— Ah ! murmura-t-elle non sans surprise.

— Écoutez-moi. Enfant du désert, j’ai emprunté quelque chose à l’astuce des Peaux-Rouges, contre qui j’ai eu souvent à lutter. Or, voici ce que me suggère l’examen de la situation. Vous prisonnière, les milices qui parcourent la prairie retournent dans leurs garnisons respectives. Le désert devient vide d’ennemis… et vos amis, campés à cette heure sur les berges de la rivière Canadienne, peuvent sans difficulté conquérir, le Gorgerin d’Alliance.

— C’est vrai, murmura-t-elle encore.

— Supposez au contraire que vous soyez délivrée, continua avec plus de force le chasseur, encouragé