Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/334

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— Et, continua imperturbablement Forster, si elle résiste à mes objurgations, si mes prières sont sans effet, je souhaite au moins pouvoir me laver les mains, comme autrefois Ponce-Pilate, des malheurs qu’elle attirera sur sa tête.

Certes les officiers étaient braves ; Sullivan avait prouvé qu’il ne manquait pas de courage. Cependant tous frissonnèrent.

C’est que, dans les paroles du gouverneur, ils avaient senti passer la volonté froide, impitoyable, de supprimer l’adversaire au cas où il ne plierait pas.

— En route ! ordonna Forster.

D’un même mouvement, John Yellow et Dick Solly pivotèrent sur les talons et de ce pas mesuré, raide, particulier aux soldats de race saxonne, ils se mirent en marche, suivis par Sullivan et le pasteur.

La cour fut traversée.

On atteignit la ligne des constructions aboutissant au saillant est.

Quelques mètres encore et le groupe s’arrêtait devant une porte de chêne renforcée de ferrures grossières.

Yellow introduisit une clef dans la serrure ; avec un bruit de ferraille l’huis s’ouvrit.

— Demeurez ici, messieurs, dit Forster aux officiers. Veillez à ce que personne ne vienne nous déranger.

Les interpellés saluèrent derechef. Quant à Sullivan, obéissant à un signe du gouverneur, il pénétra avec celui-ci dans la cellule dont la porte se referma sur eux.

Petite, mais non triste, était la pièce aux murs blanchis à la chaux. Son étroite fenêtre était garnie de barreaux, mais par l’ouverture, on apercevait à deux cents mètres de là une pente rocheuse, amas de pierres éboulées. C’était l’autre côté du ravin, au bord duquel se dressait le saillant est du fort Davis.

Assise devant une table qui supportait ses coudes, le visage enfoui dans ses mains, Dolorès Pacheco était là.

Elle n’avait fait aucun mouvement à l’entrée des visiteurs. Sans doute elle ne les avait pas entendus.

Peut-être la captive rêvait-elle que, depuis un long mois, elle vivait seule, séparée du monde, ignorante du sort de ses compagnons de lutte.