Un moment, Forster la considéra avec une ironique cruauté ; puis, fatigué d’attendre, il éleva la voix :
— Dolorès Pacheco, dite la Mestiza !
La jeune fille tressaillit et releva la tête.
Une légère rougeur monta à ses joues, mais ses yeux que la tristesse, l’inquiétude avaient nimbés d’une meurtrissure bleuâtre, ne se baissèrent pas.
— Dolorès Pacheco, reprit le gouverneur, le désir de vous parler raison une dernière fois m’a conduit ici.
Elle ne répondit pas.
— Comprenez-vous bien le sens de mes paroles ? fit-il avec impatience.
Elle secoua négativement la tête.
— Non ? traduisit Forster.
Alors, elle se décida à parler :
— Non, en effet, je ne comprends pas.
— Pourtant, je m’exprime clairement.
— Peut-être, murmura-t-elle, vous attachez aux mots un autre sens que moi-même.
Forster l’interrompit violemment :
— Toujours les mêmes folies !
Mais elle ne se troubla pas :
— Toujours, continua-t-elle. J’appelle lâcheté, j’appelle trahison, ce que vous décorez du titre de « raison ».
— Parce que vous ne voulez pas vous rendre à l’évidence.
— Au contraire. Vous allez, comme vous l’avez fait cent fois, m’inviter à vous enseigner où est caché le Gorgerin inca-atzec, gage de l’émancipation des Sud-Américains… Si je condescendais à vos désirs, je trahirais… cela me paraît évident.
— Idées de jeune fille. Quand une cause est perdue, on ne peut plus la trahir.
— Mais à sa perte, on peut ajouter celle de l’honneur.
Le chef suprême de l’administration du Texas fit la grimace, mais reprenant aussitôt son impassibilité.
— Vous raisonneriez juste, mademoiselle, dit-il, si votre assistance nous était indispensable pour triompher.
Permettez-moi de vous mettre au courant. Vous me répondrez ensuite.
— Oh ! murmura la prisonnière, rien ne me fera revenir sur ma résolution.
— Nous le verrons bien. Écoutez seulement.