Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/337

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Dolorès le regardait maintenant. Dans son regard se lisaient l’effroi, le mépris, la colère.

— Nos journaux, poursuivit impitoyablement Forster, répandus à des millions d’exemplaires dans tout le Sud-Américain, ont détaillé jour par jour, je pourrais presque dire heure par heure, l’état d’avancement du travail. Ceux que votre voix avait enflammés sont aujourd’hui convaincus que vous les leurriez d’un vain espoir, que vous les vouliez tromper, afin de les entraîner dans une guerre insensée contre les Nordistes, leurs véritables amis, tout disposés à répandre leurs capitaux, leur énergie, sur le Sud, à y créer des chemins de fer, des usines, des exploitations de toute nature…

— Et à conquérir ainsi commercialement l’Amérique celto-latine, prononça la captive d’un ton douloureux.

— Oh ! conquérir, essaya de protester le gouverneur…

Mais elle l’interrompit :

— Oui, conquérir… opprimer les Sudistes par l’argent, avant de les décimer par le fer.

Puis, comme secouée par une réflexion soudaine :

— Ils ne peuvent m’accuser de mensonge, moi…

Sa phrase demeura suspendue. Ses deux interlocuteurs avaient éclaté de rire :

— Pardon, pardon… ils le peuvent… ils vous accusent.

— Moi ?

— Sans doute, car nos quotidiens… vous ont attribué la commande du faux gorgerin !

— Ah !

La Mestiza se laissa tomber sur l’escabeau, unique siège de sa cellule.

Elle comprenait.

On l’avait calomniée, rendue suspecte à ceux qu’elle espérait sauver.

La tactique de Basile avait réussi une fois de plus.

Libre, elle eût confondu le mensonge… Captive, elle devait assister à son propre déshonneur.

— Vous êtes intelligente, reprit Forster dont les yeux perçants semblaient lire dans le cerveau de la prisonnière. Vous venez de tirer les conséquences du secret que je vous ai confié. Nous sommes d’accord sur ce point que votre entreprise a échoué, et que vous ne réussirez jamais à triompher du doute im-