Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/339

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Il se tut. Dolorès riait.

— Cette gaîté ?…

— C’est vous qui la provoquez, digne geôlier.

— Que veux-tu dire ?

— Que vous-même venez de m’indiquer que je ne dois point avoir foi en vos paroles.

— Où prends-tu cela ?

— Si, comme vous le prétendez, le Gorgerin ne vous inspirait plus aucune inquiétude… s’il était une simple pièce de musée… vous vous préoccuperiez peu de son existence…

— Mais ne t’ai-je pas dit ?…

— Votre rêve, monsieur le Gouverneur, votre rêve. Chacun de nous a le sien… Vous rêvez d’or, je rêve de liberté.

— Je suis sûr d’atteindre mon but.

— J’espérerai atteindre le mien, aussi longtemps que le gage d’alliance ne sera pas en votre pouvoir.

Les sourcils du pasteur se froncèrent ; il eut un geste menaçant :

— Prends garde !… La clémence divine elle-même a des limites… L’enfer prouve que certaines fautes ne sauraient être pardonnées.

Il voulait l’effrayer, mais elle avait retrouvé tout son courage, et ce fut avec un adorable sourire qu’elle répondit :

— Ah ! l’enfer prouve cela…

— En douterais-tu ?

— Non, non, monsieur le Gouverneur, mais je songeais à part moi que cette vérité vous prépare une éternité… infernale.

Du coup, Forster cessa d’être maître de lui.

Non seulement la captive ne se soumettait pas, mais elle raillait.

— Prends garde, fille au sang mêlé ! Tu te condamnes à la réclusion perpétuelle. Ce Gorgerin, je m’en soucie comme un poisson d’une pomme. C’était la liberté, la fortune, la possibilité de vivre heureuse, que je venais t’offrir.

— Vous pensez donc que l’on peut trouver le bonheur dans l’infamie ?

— Tais-toi !

— Soyez satisfait. Désormais, je resterai muette en votre présence, mais la loyauté me fait un devoir de vous déclarer que je serai également… sourde. Épargnez-vous donc des discours inutiles.