Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/350

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le vieillard, un Indien, ainsi que ceux qui l’entouraient, parurent croire Scipion sur parole.

D’un air satisfait, il marcha vers le mur de granit qui limitait le palier, et sa main décrivit dans l’air des signes bizarres.

En même temps, il entonnait un chant étrange, aux lentes modulations. On eût dit un air sacré déformé par un gosier sauvage.

C’était le Van-Satl-Opan-petl, ou chant de guerre des soldats de Montézuma.

Après le refrain dernier, le prêtre appuya la main sur le roc, et soudain, un bloc énorme pivota sur lui-même comme celui qui, au début de son expédition, avait livré passage à Massiliague.

— Bon, murmura le Marseillais à part lui, un ressort encore. Ce vieil olibrius aurait pu se dispenser de la parade et de la musique.

Bien entendu, il se garda d’exprimer son opinion à haute voix. L’aventure marchait trop bien pour qu’il risquât de se brouiller avec ses nouvelles connaissances.

Un trou sombre s’était ouvert dans la paroi de granit. Le vieillard le désigna :

— Celui qui n’a pas une âme forte doit rester sur le seuil.

Ce à quoi Scipion répondit avec une vague envie de rire :

— Et s’il a une âme forte ?

— Qu’il suive ma trace.

— Longtemps ?

— Le temps n’a pas de limites dans le temple où naquit le premier des Toltecs.

— Soit ! je te suivrai.

— Alors, renonce à ta force.

Un des prêtres enroulait en même temps une cordelette autour des poignets du voyageur.

Celui-ci se mordit les lèvres pour ne pas éclater de rire et réussit à prononcer :

— J’y renonce.

— Bien, renonce à la vue des choses saintes.

Et Scipion se laissa bander les yeux.

— Renonce à l’ouïe, renonce à la parole.

Une sorte de caveçon s’appliqua sur les oreilles du voyageur, un bâillon fut posé sur ses lèvres, sans qu’il fît un geste pour protester.

Il était vraiment aveugle, sourd, muet.