Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/354

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l’oreille de la jeune fille. De l’autre côté, le fort est fermé par un simple mur qu’il sera aisé d’escalader.

Là était l’endroit dangereux.

La lune inondait le patio de sa lumière argentée, et sous les vérandas, les portes des chambres restaient ouvertes, suivant l’usage en ces pays torrides, où la fraîcheur relative de la nuit doit reposer des ardeurs du jour.

Qu’un dormeur fût en proie à l’insomnie, que le son de leurs pas attirât son attention, et les fugitifs étaient surpris, arrêtés, perdus.

Mais il n’y avait pas à tergiverser. La traversée du patio était obligatoire. Le petit groupe, rasant les murs, utilisant l’ombre protectrice de la galerie couverte, commença sa périlleuse promenade.

Les deux tiers de la distance furent franchis sans encombre. Déjà, Dolorès se croyait sauvée, quand une exclamation sonore retentit :

— Qui va là ?

D’Instinct, tous se blottirent dans l’ombre et demeurèrent immobiles, retenant leur haleine.

Dans le rectangle noir d’une des portes ouvertes parut un spectre blanc.

Tous trois le reconnurent en frémissant.

— Joë Sullivan ! bégaya la jeune fille d’une voix si faible que ses compagnons devinèrent ses paroles plutôt qu’ils ne les entendirent.

L’agent nordiste se penchait à droite, à gauche, semblant scruter les alentours. Et les fugitifs, faisant corps avec la muraille, le considéraient avec épouvante, tremblant à chaque instant d’être aperçus.

Non ; encore tout ensommeillé, Joë n’avait pas à cette heure sa vue, perçante d’habitude.

Au bout d’une minute, qui dura un siècle pour les voyageurs, il haussa les épaules :

By God ! les oreilles me cornent… Je me disais aussi : « Qui peut bien se promener en ce moment ? »

Avec un juron, il rentra dans sa chambre.

Le silence régnait de nouveau.

Un quart d’heure se passa avant que la prisonnière et ses amis osassent se remettre en marche.

Enfin rassurés par la tranquillité environnante, sur la pointe des pieds, prenant les précautions les plus minutieuses, ils continuèrent la traversée du patio. À l’extrémité, une voûte trouait la ligne des