Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/365

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Avec une pointe d’inquiétude, répondit l’interpellé.

Sans laisser au Marseillais le temps d’interroger, Cristobal continua :

— Oh ! ne doutez pas de mon bon vouloir.

— Nous ne doutons pas, s’empressa d’affirmer Dolorès.

— Lorsque cette nuit vous êtes arrivés, ayant été obligés d’abandonner vos chevaux épuisés, je n’ai pas hésité à vous cacher.

— C’est vrai.

— Je suis un mulato, moi, et par conséquent Sudiste de cœur. Ma conduite n’avait donc rien que de naturel et je ne la rappellerais pas si…

L’intendant semblait hésiter.

— Si ?… questionna curieusement Scipion.

— Si ce qui s’est produit n’était pas arrivé.

— Mais encore, de quoi s’agit-il ?

— Voici. Lorsque ceux qui vous poursuivaient se présentèrent à leur tour à l’hacienda, je les surveillai, je fis causer les soldats tout en leur offrant des rafraîchissements.

— Vous nous l’avez dit.

— En effet. J’appris ainsi que le télégraphe avait joué entre les différents postes frontière, que de tous les côtés des détachements battaient la campagne.

— Et vous nous avez invités à demeurer ici.

— Jusqu’au moment où vos ennemis, découragés, se relâcheraient de leur surveillance.

— Ce dont je vous remercie, articula doucement la Mestiza.

Scipion eut un haut-le-corps.

— Té, mademoiselle, vous ne prétendez pas dire que je sois un ingrat ?

— Non, sans doute.

— À la bonne heure, car Massiliague, il est connu pour sa mémoire. Vous arrêteriez n’importe qui sur la Canebière et vous demanderiez : Té, l’ami, est-ce que Scipion, il est capable de gratitude ? On vous répondrait : Bien sûr, pauvre, bien sûr, c’est un caniche pour la fidélité, un terre-neuve pour le dévouement, un chien de chasse pour le flair…

Le bouillant Marseillais s’aperçut à ce moment qu’il se comparait à une multitude d’individus de la race canine.