Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/366

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Tout autre eût été interloqué ; lui, éclata de rire et, avec la plus absolue bonhomie :

— Eh ! oui, je suis une véritable meute à moi tout seul… J’ai tort de le dire, car on ne doit pas chanter ses louanges pour ne pas paraître un chien savant.

« Ce n’est pas cela, d’ailleurs, que je voulais exprimer. Mon intention était tout uniquement de prier ce brave M. Cristobal de m’expliquer pourquoi il nous récite ce qui s’est passé hier. Hier, c’est de l’histoire ancienne, mon bon.

Et tranquillement :

— Certes, en accueillant, la señora Dolorès, Francis et Pierre, l’hacendado Rosales, le jeune Cigale, Coëllo, mon fidèle Marius et moi-même, vous avez été un délicieux couquinasse. Mais si vous le regrettez vous n’êtes plus délicieux du tout…

Le mulato découvrit ses dents blanches. La faconde du Marseillais l’amusait.

— Je ne regrette rien.

— C’est une bonne note, repartit du tac au tac l’incorrigible bavard.

— Mais je crains…

— Quoi donc ?

— Que mon maître don Ramon ne découvre la supercherie.

— Lui, comment cela ?

Très gravement, Cristobal laissa tomber ces paroles :

— Señor, si vous me permettiez de parler, vous le sauriez déjà, car je ne suis venu ici que pour vous avertir, vous et vos compagnons.

Incapable de renoncer à avoir le dernier mot, Massiliague allait riposter. Dolorès ne lui en donna pas le temps :

— Parlez, Cristobal, nous écoutons.

Usant de l’autorisation, l’intendant redit rapidement son entretien avec don Ramon, l’inspiration grâce à laquelle il avait momentanément détourné les soupçons, nés chez le propriétaire, de l’abondance des « calebasses » garnies de sève.

— Je vous ai mis au travail, conclut Cristobal, par prudence. S’il avait pris fantaisie à vos persécuteurs de visiter la resineria, ils vous eussent trouvés à la tâche tout comme les autres peones et ne se seraient pas doutés que vous êtes ceux qu’ils cherchent.