Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/367

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— Alors, tout est au mieux, mon bravonnetto ! s’exclama Scipion.

Mais le mulato secoua la tête.

— Jusqu’à présent, tout a bien marché, j’en conviens.

— C’est heureux.

— Seulement…

— Ah ! il y a un seulement.

— Extrêmement grave.

— Exposez votre seulement. Je gage que cet adverbe en ment, ment ou mentira sûrement.

Cristobal ne sembla pas remarquer la plaisanterie.

— Ma crainte vient d’une coutume de don Ramon.

— Et cette coutume ?

— Le maître est très superstitieux. Volontiers, il proclame que les esprits, élus ou non, s’immiscent dans les affaires des hommes.

— Tout superstitieux en est là.

— Or, tout à l’heure, embarrassé par ses questions, j’ai affirmé que la production de sève, dans cette resineria, était positivement miraculeuse.

— Bon ! vous en serez quitte pour vous déjuger.

— Avec lui, impossible. Il a conclu de mes dires que la Madone le protégeait visiblement et, pour rien au monde, il ne renoncera à une idée aussi agréable.

— Pourtant, si l’on ne rapportait ce soir que le nombre de calebasses strictement habituel ?…

— Il jurerait que l’équipe placée dans ce bois est composée de paresseux…

— Cela m’est égal

— … De paresseux qui luttent contre Notre-Dame de Guadalupe, insista le mulato.

— Bon, et après ?

— Après, il vous enverrait tous chez le juge pour être punis.

— Chez le juge, diable !

Cette exclamation de Scipion était claire pour tous. Être conduits hors de la plantation équivalait pour les fugitifs à être reconnus.

Avec cela, étant donnée la disposition des constructions réservées aux peones, il était impossible de dissimuler huit personnes, si une ronde sérieuse du maître avait lieu.

Toutes les cases, en effet, se trouvaient disposées en carré, formant une place ouverte à une extrémité,