Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/371

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Massiliague se frotta les mains et murmura à part lui :

— Té, cela va marcher comme sur des roulettes. Cet individu est imbécillissime, au superlatif, mon bon !

Puis, à ses compagnons, il glissa :

— Attention !

Cependant, le mulato avait tiré un carnet de sa blouse. D’un air ahuri, car il ne devinait pas encore où tendait la comédie imaginée par Scipion, il en considérait les pages.

— J’attends ! gronda impatiemment don Ramon.

Dominé, Cristobal s’exécuta et commença l’appel.

— Agostin !

— Présent ! répondit le peone en se portant derrière l’intendant.

Mais, rapide comme la pensée, Massiliague avait chuchoté à l’oreille de Coëllo :

— Toi aussi, tu es Agostin. Va te placer auprès de celui-là.

Coëllo obéit.

— Hein ? s’écria l’hidalgo stupéfait, que signifie cela ?

Le mulato leva désespérément les bras, comme pour exprimer son ignorance.

Quant à Massiliague, qui décidément avait pris la direction de l’affaire, il répondit effrontément :

— Cela signifie que l’on a appelé Agostin et que le voilà.

— Mais, hurla Ramon, Agostin est double !

— Pour travailler deux fois plus, señor ; voyez cependant la feuille de votre intendant, ce brave garçon est porté pour une seule journée.

Le resinero saisit le livret de Cristobal.

— C’est vrai, Agostin : une journée.

Et après un silence :

— Mais alors…

— Alors, continua imperturbablement Massiliague, remerciez la Madone et poursuivez l’appel.

Dans la cervelle superstitieuse du gentilhomme résinier, les paroles de son interlocuteur amenaient peu à peu le chaos.

Un homme plus libre d’esprit eût de suite prié Massiliague de ne pas mener plus loin la plaisanterie.

Chez lui au contraire, les légendes, récits d’apparitions, d’hallucinations, de somnambulisme, accu-