Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/376

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étions deux ; sa calebasse aussi avait une sœur, et deux lianes incisées laissaient perler goutte à goutte leur sève précieuse. Voilà, señor, ce qui est arrivé.

Et le visage imperturbable, le Marseillais s’inclina devant son auditeur.

Tous les assistants, fugitifs ou peones, Cristobal lui-même, demeuraient stupides, ahuris par l’étrange galéjade.

Quant au señor Ramon, il pétrissait nerveusement son chapelet.

— Cristobal ! appela-t-il enfin.

L’intendant se rapprocha aussitôt.

— Distribution de mezcal à tous ces braves gens.

Le mezcal, eau-de-vie du pays, est apprécié par tous les habitants. Aussi les peones, ravis, lancèrent-ils un retentissant :

— Vive l’illustre señor !

Mais celui-ci leur imposa silence :

— Amigos, vous avez entendu. La Madone recommande la discrétion. Que nul ne s’avise de parler du miracle !

— Nous nous tairons, señor.

— Et toi, Sanchez, toi qui as été choisi par l’apparition, je te compterai dix dollars de gratification.

Du coup, Sanchez lança son chapeau en l’air et fixa sur Massiliague un regard emprunt de la plus profonde gratitude.

Don Ramon aurait parlé encore, mais un serviteur accourut :

— Señor, clama le nouveau venu, Son Excellence le señor gobernador Forster arrive avec son escorte. Il demande l’hospitalité pour la nuit.

Cette annonce changea le cours des pensées du resinero.

— Je cours le recevoir ; pour vous, amigos, buvez le mezcal.

Massiliague n’avait pu réprimer un tressaillement en entendant prononcer le nom du gouverneur du Texas, de ce terrible ennemi acharné à la poursuite de Dolorès.

Mais, se remettant de suite, il posa le doigt sur ses lèvres en regardant Ramon :

— Silence, señor !

L’hidalgo approuva du geste et se précipita vers l’hacienda, où l’attendaient ses hôtes.