Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/377

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À peine eut-il disparu, que Cristobal vint à Massiliague.

— Mes compliments, señor, vous vous en êtes bien tiré.

— Oh ! oui, appuya Coëllo, dont les yeux noirs exprimaient une admiration sans bornes, seulement la Madone se vengera peut-être…

Cette supposition fit sourire Scipion. Toutefois, constatant que la remarque inquiétait les peones, il répliqua :

— Je ne l’ai pas nommée, moi. J’ai conté une histoire où la Madone ne jouait aucun rôle ; c’est don Ramon qui a voulu que ce fût elle.

Tous les visages s’épanouirent.

— En effet ! en effet !

— Vous avez été sage et prudent, reprit le mulato ; néanmoins, je pense que vous ferez bien de quitter la propriété cette nuit.

— Cette nuit, répétèrent les fugitifs, surpris, pourquoi ?

— Parce qu’un danger imminent est sur vous.

— Un danger ?

— Oui.

— Et lequel ?

— L’indiscrétion du señor Ramon.

Le Marseillais haussa les épaules.

— Bon ! il a promis de se taire, mon pitchoun.

— C’est exact, il a promis. J’oserais même affirmer qu’il se dominera pendant un certain temps…

— Vous croyez pourtant…

— Qu’il parlera… Je le connais. Il est bavard et vaniteux. L’idée de se faire bien voir du gobernador l’excitera aux confidences. Songez donc. Pouvoir dire au premier fonctionnaire du Texas : Je suis un élu, j’ai été remarqué par la Madone. Mais il sacrifierait père et mère pour crier pareille chose sur les toits.

— Diable !

Du coup, Scipion se gratta l’oreille.

— Fâcheuse situation, grommela le Parisien Cigale, nous sommes à pied.

— Et eux à cheval, acheva Francis.

— Deux pieds contre quatre ; ils nous rattraperont certainement.

Mais le Provençal s’appliqua un soufflet sur le crâne :

— Où a-t-on mis les chevaux ?